8.8.08

Sophisme canin

Dans Le Monde, Claude Beata (vétérinaire comportementaliste) s’en prend à une nouvelle loi « renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux », promulguée le 20 juin 2008. Il a certainement raison de critiquer la manie législative et réglementaire française, dans un domaine où le nombre d’occurrences de drames est inversement proportionné à l’ampleur de leur médiatisation (19 morts en 30 ans). Mais notre vétérinaire utilise des arguments un peu étranges. Il affirme ainsi :

« Les enquêtes, les études menées dans différents pays du monde n'ont jamais réussi à démontrer qu'une race était plus impliquée qu'une autre dans les accidents, et le génome canin, aujourd'hui entièrement décodé, n'a bien sûr pas livré le secret d'un quelconque gène de l'agressivité. Continuer de corréler le risque agressif à la race, c'est aussi dire que les chiens et les humains sont différents par nature, et nous ne le croyons pas. Sinon, il faudrait croire que certaines races humaines sont plus agressives, plus voleuses, plus fainéantes, et qui aujourd'hui pourrait encore soutenir cela ? »

Outre que les supposées « races » humaines n’ont pas grand chose à voir avec les races canines et sont ici mentionnées à des fins rhétoriques, il n’est pas tellement étonnant que les gènes de l’agressivité du chien n’aient pas été découverts à ce jour, vu la rareté des études génomiques sur cet animal. Mais un travail de Liinamo et al. sur les Golden Retrivers a récemment estimé à 0,77-0,81 l’héritabilité des comportements aggressifs manifestés par les chiens (voir aussi une revue chez Li 2008 et les références d’un précédent article ici). Et l’on ne compte plus les analyses moléculaires du comportement agressif chez des animaux bien plus étudiés en laboratoire, comme la drosophile, la souris, le rat ou les primates.

Par quel mystère évolutif le chien serait exempt de toute prédisposition génétique à l’agression ? On ne trouvera évidemment pas « un » gène de l’agressivité, puisqu’il s’agit d’un trait complexe. Mais il est évident que les différents facteurs menant au comportement agressif (peur, stress, rage, dominance, protection, défense du territoire, attaque des compétiteurs sexuels, etc.) répondent à des déterminants génétiques, hormonaux, neuronaux chez le chien comme chez les autres espèces, et que l’absence de polymorphisme sur ces déterminants serait un bien étrange miracle de l’évolution.

Références :
Liinamo A. et al. (2007), Genetic variation in aggression-related traits in Golden Retriever dogs, Applied Animal Behaviour Science, 104, 95-106.
Li H. (2008), Canine aggression toward unfamiliar people and dogs, Vet Clin North Am Small Anim Pract., 38,1023-41.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je préfère nager dans une eau infestée de dauphins