3.8.08

Toi l'inconnu

Quelles sont les règles minimales pour vivre ensemble ? Tel devrait être le questionnement de la raison dans le domaine politique ou moral. Le contraire s’observe : une sorte d’inflation permanente de la pensée pour compliquer les choses au lieu de les simplifier. En cela, il faut s’en prendre aux penseurs eux-mêmes, ceux qui font le plus usage de leur raison. En dehors de certains cas quasi-pathologiques, ce n’est pas la confusion mentale qui les pousse à des constructions labyrinthiques et ténébreuses : plutôt la certitude implicite qu’ils sont destinés à être les guides de leur époque, que les autres ont absolument besoin de leurs lumières, qu’ils ont une mission d’édification et d’orientation des esprits. L’intellectuel n’est souvent que la forme moderne du curé : il s’entend avant tout avec d’autres intellectuels (son église) pour pontifier sur la masse des non-intellectuels, ce qu’elle devrait faire, ce qu’elle devrait penser. Même si la figure canonique de l’intellectuel périclite – il y a tout de même de bonnes nouvelles –, elle renaîtra sous la forme de l’essayiste, du journaliste, du philosophe, du psychanalyste, de l’expert ou que sais-je encore, tous ces gens que l’on reconnaît à ce qu’ils disent vouloir notre bien et régler notre comportement. Toi l’inconnu qui me lis, sache que ta vie ne m’intéresse pas, elle ne devrait intéresser que toi et tes proches. Si tu as une chose à me faire connaître, tant mieux, mais vérifie bien que cette chose ne regarde pas que toi, qu’elle a le moindre sens au-delà des frontières de ton existence. Tes affaires, tes problèmes, tes soucis, tes préoccupations, tes scrupules, tes contrariétés, tes envies, tes soifs, tes convoitises, tes désirs, tes joies, tes peines… tout cela m’indiffère, fais-en une œuvre d’art ou un motif de suicide. Et si tu y vois du mépris, si tu as décidément besoin que l’on s’intéresse de plus près à ton existence, alors continue de lire et d’apprécier tous ces penseurs qui font profession de prendre soin de toi, comme le berger de son agneau, comme la mère de son enfant. Et continue bien sûr de suivre les ordres des dresseurs, les ordres que ces intellectuels ont méticuleusement produit pour justifier leur salaire.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Charles Muller ne doit pas être accro aux Feux de l'amour ou autres séries TV à la noix de coco.

Anonyme a dit…

Charles, les gens comme moi qui parcourent votre blog, rêvent d'avoir quelque info sur votre vie intime. Hétéro ou pas? En couple avec Martine? Tous les détails nous intéressent. Votre portrait, votre torse, vos habits, votre parfum, la couleur de votre canapé. Envoyez la sauce O vous bel inconnu.

Anonyme a dit…

+1 ! (hi hi hi !)

Vince a dit…

@sofa : relisez donc son papier ;)