Quand on analyse l’évolution du cerveau, on s’attache habituellement à son évolution structurelle, c’est-à-dire souvent l’accroissement de sa taille et la spécialisation de ses aires. Plus de matière cérébrale signifie plus de neurones et une plus grande capacité à traiter l’information interne ou externe de l’organisme.
Une équipe dirigée par le professeur Seth Grant (Wellcome Trust Sanger Institute, États-Unis), travaillant au programme « Des gènes à la cognition », a préféré se pencher sur l’évolution fonctionnelle du système nerveux. En étudiant les synapses, c’est-à-dire les zones de connexions entre les neurones où les signaux électriques sont notamment permutés en signaux chimiques. « Bien que beaucoup d’études se soient penchées sur le nombre de neurones, note le Pr Grant, aucune n’a analysé la composition moléculaire des connexions entre neurones. Nous avons découvert des différences remarquables entre les espèces pour ce qui est du nombre de protéines à l’œuvre dans ces connexions neurales ».
Les chercheurs ont étudié 600 protéines appartenant aux domaines PSD (postsynaptic density) et MASC (membrane-associated guanylate kinase (MAGUK)-associated signaling complexes), deux complexes de molécules synaptiques connus pour leurs liens avec l’apprentissage et la mémoire. Grâce à la génomique et la protéomique comparées, ils ont analysé l’évolution de ces protéines de la levure à la souris. Il en résulte que 25 % sont déjà présents chez les unicellulaires (qui n’ont évidemment pas de cerveau) et 50 % chez les invertébrés. Comme toujours, l’évolution semble avoir réutilisé de vieux matériaux pour des nouvelles fonctions : certaines protéines servant aux synapses des mammifères dans le cadre de l’apprentissage étaient par exemple utilisées par des unicellulaires pour traduire un stress environnemental (changement de température ou de milieu nutritif). Le système nerveux s’est lentement constitué par l’agrégation de nouvelles réponses biochimiques à l’environnement, permettant un spectre cognitif et comportemental de plus en plus large et complexe.
Outre une meilleure compréhension de l’évolution de l’esprit, ce type d’étude permet aussi d’avancer sur le déchiffrement des domaines protéiques spécifiques à l’homme, ainsi que les variantes génétiques de ces domaines impliquées dans la cognition.
Référence :
Emes R.D. et al. (2008), Evolutionary expansion and anatomical specialization of synapse proteome complexity, Nature neuroscience, online pub., doi:10.1038/nn.2135
10.6.08
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire